Un serious-game à 4 briques…

Nous l’avons vu dans un précédent article, le terme « serious game » est aujourd’hui, en quelque sorte un « mot valise » : chaque éditeur y va de sa définition pour asseoir sa vision de ce que doit être un « serious game ». Néanmoins, d’où qu’ils viennent, les serious games sont tous constitués des quatre mêmes éléments.

Un certain flou sémantique (ou un joli bazar !) règne dans le monde du serious game : nous ne comptons plus les termes censés se retrouver sous  ce vocable. Néanmoins, tirant leçon des dizaines de produits déjà réalisés par des éditeurs différents,  nous pouvons isoler quatre éléments  qui composent un serious game : le fond, la forme, la mécanique et la dramaturgie.

Le fond

Dans un serious game, le fond c’est bien sûr en premier lieu le contenu pédagogique à transmettre.  D’ailleurs, comme pour un projet e-learning plus classique, la première tâche à mener dans un projet de conception de serious game est de recueillir puis analyser le contenu à scénariser avant de lister les messages clés et définir les objectifs pédagogiques et opérationnels à atteindre.

Mais le fond, c’est aussi un certain nombre de valeurs que le commanditaire du serious game souhaite transmettre. En réalité, ces valeurs , correctement identifiées et utilisées, vont servir de « liant » :

  • d’une part le contenu a plus de chance d’être en phase avec l’esprit de l’organisation : son histoire, sa légende, ses lois tacites, les comportements encouragés etc.
  • d’autre part en incluant ces « valeurs » dans l’histoire racontée et dans les règles du jeu, le concepteur crée une homogénéité d’ensemble.

En réalité, nous le savons tous d’instinct : une valeur ne se décrète pas, elle se vit. Quoi de mieux qu’un jeu pour cela ?

La forme

La forme du jeu est portée par un ensemble d’éléments graphiques et sonores, souvent appelé « look and feel », qui donne la tonalité de l’univers créé et contribue à générer une atmosphère, une ambiance.

Rappelez-vous par exemple, In Memoriam, un jeu vidéo édité par Ubisoft en 2002-2003. Ce jeu a reçu de nombreux prix, bien sûr pour la qualité de son scénario, la complexité de ses énigmes (que d’heures passées pour ma part sur certaines d’entre elles…) et pour les avancées technologiques du jeu (ce fut le premier jeu à s’appuyer sur le web, en mélangeant des informations fictives dans des sites internet bien réels). Mais le vrai « plus » du jeu, c’est cet univers noir, feutré, malsain, poisseux que vous retrouviez à chaque énigme avec pour fil rouge une obscure histoire de tueur en série.

Bien entendu, nul besoin de développer des histoires aussi terrifiantes et glauques pour appuyer votre futur serious game !

L’idée est surtout de créer un univers cohérent, une atmosphère spécifique qui contribuera à la fameuse « immersion » dont nous sommes bien d’accord qu’elle constitue un atout maître du serious game.

La mécanique

La « mécanique » d’un jeu repose sur ce que l’on appelle le « Gameplay« . Pour la petite histoire, ce terme désignait initialement la manière dont le jeu se joue : « how the game plays ». C’est en fait une référence aux modes d’emploi qui étaient visibles sur les bornes d’arcade d’antan et qui décrivaient les combinaisons de touches à utiliser dans le jeu !

Au final, le gameplay c’est l’ensemble des mécanismes et éléments servant à l’interaction : actions, contrôles, interface, règles du jeu etc. Le gameplay inclut également plus largement la jouabilité, la maniabilité et la notion de difficulté du jeu.

Un serious game doit être utilisé par des apprenants dont les profils peuvent être très différents mais il doit être utilisable par le plus grand nombre : il faut donc prendre en compte leurs aptitudes face au jeu et à l’outil informatique en général.

C’est une lapalissade mais vos apprenants sont là pour apprendre ! Ils ne doivent pas passer de longues minutes à trouver une combinaison de touches ! L’objectif n’est pas d’en faire des joueurs invétérés mais des professionnels avertis sur la thématique déclinée dans le jeu.

Ainsi respectez quelques règles :

  • imaginez une interface simple et des contrôles de jeu intuitifs.
  • développez un jeu facile à prendre en main avec un apprentissage progressif des manipulations à connaître (on parle ici aussi de « courbe d’apprentissage » qui doit progressivement rendre l’apprenant autonome dans son utilisation du jeu)
  • ne faites pas attendre le joueur : les manipulations doivent avoir une répercussion immédiate à l’écran.

La dramaturgie

Un serious game se caractérise d’abord par le type et le genre de jeu. Il existe 5 grands types de jeu issus de l’industrie du jeu vidéo : Action, aventure, stratégie, simulation et réflexion.

Le genre s’apparente d’avantage au style cinématographique. David Perry dans son ouvrage Gamedesign a brainstorming toolbox, liste les genres les plus utilisés dans le jeu vidéo : guerre, arts martiaux, enquête etc. Il en dénombre 18 au total…vous avez donc le choix !

En réalité, peu importe le genre choisi ; pour être efficace et immersif, le jeu doit avant tout raconter une histoire cohérente, intéressante, captivante. Pour cela il est nécessaire d’imaginer un scénario et divers éléments qui donneront corps à l’ensemble : le contexte, le vécu des personnages par exemple, leurs caractéristiques physiques, leurs traits de caractère, etc.

Surtout, le choix du genre et du type de jeu doit être bien réfléchi au vu des objectifs pédagogiques à atteindre et des valeurs à véhiculer.

 

En réalité, vous l’aurez compris : tout ceci repose en grande partie sur le talent des concepteurs du serious game, les game designers, les graphistes, les développeurs etc. Faire un serious game à la fois efficace pédagogiquement, visuellement bluffant, techniquement irréprochable, jouable par le plus grand nombre et intéressant pour tous, demande beaucoup d’imagination mais aussi de la méthode, de la rigueur et des outils. C’est ce dont nous parlerons lors d’un prochain article !


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