#qualiopi et pratiques de formation innovantes multimodales

En mars 2021, notre premier article « Des controverses sur #qualiopi en cours » se terminait ainsi : « De notre point de vue, #qualiopi est aussi une opportunité en vue de valoriser des pratiques innovantes multimodales comme des parcours #foad et #afest pour, au final, proposer des solutions apprenantes souples aux besoins des apprenants et des territoires (#apprenance). » C’est à cette opportunité que nous consacrons ce second article, en complément de la Web-conférence animée en avril 2021 par le #FFFOD : « Qualiopi et multimodalité ».

Avec la promulgation le 5 septembre 2018 de la loi « Liberté de choisir son avenir professionnel », revenons là où le changement de contexte réglementaire de la formation professionnelle a impacté la définition de l’action de formation. Celle-ci fait maintenant partie des actions « concourant au développement des compétences ». Elle se définit désormais comme un parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel. L’action de formation peut être réalisée en tout ou partie à distance (article D. 6313-3-1 du code du travail). Elle peut également être réalisée en situation de travail (article D. 6313-3-2 du code du travail).

Le O de FOAD (formation ouverte ou à distance, modalité à distance reconnue par la loi du 5 mars 2014 au même titre que le présentiel) prend enfin tout son sens. Ouverte, cela signifie que pour permettre le développement des compétences par une action de formation, les OF doivent ouvrir les modalités (multimodalité) offertes à l’apprenant tout au long de son parcours de formation, dans le but que celui-ci atteigne au mieux, l’objectif professionnel préalablement codéfini et correspondant à son besoin.

Et si #Qualiopi était un instrument privilégié pour mettre enfin la multimodalité en œuvre, en incitant, voire en contraignant les organismes de formation et financeurs à intégrer des pratiques innovantes dans plus d’actions de formation ? Et si c’était là une des raisons majeures des freins constatés de la part de nombreux OF ? Et si #Qualiopi était un réel levier de professionnalisation des acteurs des OF et des OPCO ? Notre retour d’expérience de l’accompagnement des OF et des indépendants à la mise en place de la démarche qualité indispensable à l’obtention et au maintien de la certification Qualiopi, nous le fait penser.

Commençons par le 1er critère relatif à l’information délivrée au public

Il est demandé à l’OF de présenter son offre en respectant des rubriques qui, avouons-le, relèvent plus du professionnalisme attendu des acteurs de la formation professionnelle que d’une contrainte normative, de nombreux acteurs ayant déjà intégré depuis longtemps ces rubriques dans leur offre. Ce critère impose de faire preuve de transparence envers tout public dans la communication sur la mise en œuvre et les résultats des actions de formations réellement dispensées.

En termes de multimodalité, l’indicateur 1 renvoie aux textes réglementaires cités plus haut concernant la #FOAD et l’#AFEST : n’est-il pas indispensable que le public, averti ou non averti, prenne connaissance des méthodes, des moyens, des modalités d’accès, du calendrier et des durées moyennes d’apprentissage estimées, ainsi que des modalités d’évaluations spécifiquement mises en œuvre dans le parcours multimodal annoncé, avant de choisir l’organisme de formation et la formation à laquelle il aspire ? Il y a une réelle différence à se préparer à un stage unimodal ou à un parcours multimodal. L’apprenant doit en être préalablement informé pour une implication optimisée. Soyons explicite sur les pédagogies actives mises en œuvre !

Le critère 2 traite de l’analyse de la demande et du besoin jusqu’à la conception de l’offre qui en découle et au positionnement des apprenants

Là encore, c’est une étape fondamentale qu’aucun professionnel de l’ingénierie de formation ne saurait éviter ou minimiser. Un questionnement, approprié auprès du client demandeur et/ou une analyse du travail ou du cahier des charges fourni, doit aboutir à une reformulation de la demande avec détermination/validation des objectifs de formation (compétences/objectifs professionnels), et proposition d’un scénario pédagogique adapté.

En termes de multimodalité, l’analyse du besoin nous semble d’autant plus importante qu’une multitude de solutions existe et qu’il est indispensable d’identifier le niveau de familiarisation du public avec les nouvelles modalités de formation, son niveau d’autonomie, ses motivations, son agilité numérique, les moyens à sa disposition et les contraintes de mise en œuvre, pour proposer un parcours et des évaluations qui répondent à la fois aux objectifs de formation et aux profils des participants. En réponse à l’indicateur 6, la scénarisation de la formation articulant des modalités adaptées est intrinsèque à la multimodalité !

Cette dimension, à fort impact sur l’ingénierie, est intégrée à ce critère : l’individualisation des parcours au travers de l’indicateur 8 traitant du positionnement des apprenants, difficile à satisfaire pour un certain nombre d’organismes de formation. L’OF se doit de vérifier que les prérequis sont bien là, ni trop, ni trop peu et agir en conséquence : quel parcours proposer et/ou coconstruire au regard des résultats d’un positionnement ? Là encore, la multimodalité et la digitalisation constituent un levier privilégié pour individualiser les parcours en y introduisant, de fait, de l’autoformation accompagnée, modalité incontournable en FOAD.

Critère 3 : mettre en œuvre l’accueil, l’accompagnement, le suivi et l’évaluation

Pour un OF, ce critère doit être envisagé comme une opportunité de formaliser, afin de mettre en avant sa valeur ajoutée, et de développer son professionnalisme tant au niveau réglementaire que pédagogique :

  • mise en œuvre d’une pédagogie active, de la multimodalité (FOAD, AFEST) de la digitalisation et de l’individualisation des parcours dans la réalisation des actions de formation (1) ;
  • information et responsabilisation de l’équipe pédagogique et des apprenants, dans la mise en œuvre des activités d’apprentissage multimodales avec un accompagnement personnalisé. Ces activités doivent êtres séquencées, impliquantes et engageantes, tutorées, contextualisées, avec des interactions, feedback, analyse réflexive, etc.
  • système d’évaluation et d’autoévaluation avec du sens pour l’apprentissage et le transfert des compétences en situation de travail ;

Remarquons que ce critère complète heureusement l’article D. 6313-3-1 du Code du travail concernant les actions de formations tout ou partie à distance (FOAD) précisant : la mise en œuvre comprend «… » une assistance technique et pédagogique appropriée pour accompagner le bénéficiaire dans le déroulement de son parcours ;

Critère 4 : mettre en œuvre les moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement

Dans la continuité du critère 3, deux volets sont traités : la pédagogie et la règlementation. Il s’agit de prouver que les moyens mis en œuvre sont en adéquation avec les formations réalisées : rien d’anormal, et pourtant combien d’organismes découvrent, lors de l’accompagnement Qualiopi, qu’ils n’ont pas de registre de sécurité à jour ? ni une véritable organisation matérielle, des missions mal identifiées, des prestataires sans contrat de prestation…un organigramme incomplet ou flou qui révèle des problèmes de coordination et de management…

En termes de multimodalité, pointons l’indicateur 19 qui est intéressant à deux titres :

  • d’une part, cet indicateur est facile à satisfaire si les parcours de formation sont multimodaux, personnalisés et/ou individualisés, à condition bien-sûr de mettre à disposition des apprenants des ressources pédagogiques diversifiées leur permettant de s’informer, de se questionner, d’interagir, de produire, de s’évaluer en s’appuyant sur des outils collaboratifs, des centres de ressources, des plateformes, des intranets, internet, des espaces partagés…
  • d’autre part, on peut considérer qu’il complète également l’article D. 6313-3-1 du Code du travail concernant les actions de formations tout ou partie à distance (FOAD) qui précise : la mise en œuvre comprend «… » une assistance technique et pédagogique appropriée pour accompagner le bénéficiaire dans le déroulement de son parcours ; en effet l’attendu de l’indicateur 19 stipule « des dispositions sont mises en place afin de permettre aux bénéficiaires de s’approprier les ressources pédagogiques » : aide à la connexion, accompagnement à la prise en main des outils, à l’utilisation des ressources, à se familiariser avec les nouvelles modalités, guidage vers l’autonomie.

Critère 5 : qualification et compétences des intervenants et du personnel

Ce critère responsabilise le management des centres de formation sur les dimensions RH : qualifications et compétences. En général, les qualifications et compétences du secteur d’intervention des formateurs sont identifiées et développées. En revanche, combien de formateurs (salariés ou indépendants) n’ont pas suivi de formation de formateurs, ni même participé à des réunions pédagogiques, à des séminaires ?

En termes de pédagogie et de multimodalité (et ce domaine est en constante recherche, évolution et questionnement), la qualification des acteurs et l’actualisation de leurs compétences sont d’autant plus importantes que la mise en place de la multimodalité (FOAD, AFEST), avec l’individualisation (dont la modularisation), et la personnalisation des formations, le tout appuyé par la digitalisation, demande de repenser les dispositifs et les actions de formation et de les animer en conséquence. Dans ce contexte, intégrer de nouveaux collaborateurs ou développer les compétences des « anciens formateurs-trices » requiert, de la part de la direction, une stratégie à long terme pour accompagner les équipes et ses membres à mettre en œuvre le projet partagé de la structure.

Critère 6 : ancrage dans l’environnement par la veille réglementaire, sectorielle et pédagogique et par des réseaux de partenaires professionnels des champs socio-économiques et handicap

Au cœur de ce critère, on trouve l’essence même de la formation professionnelle, un outil majeur à la disposition de tous les actifs : salariés, indépendants, chefs d’entreprise ou demandeurs d’emploi. Elle permet de se former tout au long de son parcours professionnel, pour développer ses compétences et accéder à l’emploi, se maintenir dans l’emploi ou encore changer d’emploi.

Pour satisfaire ces ambitions, les OF sont donc tenus d’être en veille :

  • légale et réglementaire sur le champ de la formation : indispensable aujourd’hui pour tous et particulièrement pour la mise en place de formations multimodales et la traçabilité de la réalisation des actions de formation (#FFFOD)
  • sur les évolutions des compétences, des métiers et des emplois dans leurs secteurs d’intervention
  • sur les innovations pédagogiques et technologiques permettant une évolution des prestations : intégrer la multimodalité aux parcours de formation suppose une veille et des évolutions permanentes car ce secteur est très riche aujourd’hui en réflexions, recherches, expérimentation, développement de nouvelles situations, activités et outils pédagogiques. Des réseaux multiples se sont créés pour partager les expériences concernant cette problématique de professionnalisation : #FFFOD, #CercleAPE, #Learningsphere #THOT, #Communotic (Normandie), l’Atelier du formateur (Bretagne) et autres. De nombreux relais diffusent leur veille concernant cette problématique, sur internet, en particulier le Centre Inffo et les CARIF-OREF dans chaque région.

Ce référentiel prend en compte les spécificités des publics accueillis, dont les personnes en situation de handicap (PSH) dans une logique d’accessibilité universelle. Une place particulière est donc faite tout au long du référentiel à l’accessibilité de la formation pour les personnes en situation de handicap. L’OF doit communiquer les informations spécifiques pour les personnes en situation de handicap, doit être prêt à répondre et agir en mobilisant des partenaires identifiés, en sensibilisant son personnel à l’accueil des PSH, en formant un référent handicap repéré dans la structure (et dont la mission est connue), en étant en veille et en capitalisant sur les modalités qui peuvent être mises en œuvre.

Là encore le numérique avec des modalités adaptées peut être un levier pour répondre à certains besoins.

Permettre l’accessibilité des ressources pédagogiques numériques, des plateformes de formation, des salles virtuelles, des sites internet est un chantier qui demande investissement et compétences dans le domaine, en est-on bien conscient aujourd’hui ?

Critère 7 : recueillir les appréciations et les réclamations des parties prenantes et s’améliorer en continu

Lorsque l’action de formation est multimodale, et en particulier pour l’AFEST, les parties prenantes sont identifiées dès le début de l’ingénierie du dispositif. Il faut bien réfléchir au contenu et à la modalité de recueil des appréciations pour chacune des parties. Il nous semble important pour recueillir les appréciations (comme les réclamations) d’avoir une grille de lecture commune aux différentes modalités de formation quel que soit le type de dispositif de formation, afin de les comparer et de faire des bilans réguliers de ce qui « marche », de ce qui « marche » moins bien, de ce qui ne « marche » pas, et d’être conscient que la satisfaction(2) n’est pas la panacée !

Par ailleurs, on peut noter que les dispositifs innovants, dans un esprit d’expérimentation et de projet nécessitant des bilans réguliers utiles aux réajustements à prévoir, sont souvent plus observés en termes de satisfaction et d’efficacité que des dispositifs classiques marqués par un taux de présentiel fort, voire exclusif !

En guise de conclusion

Les concepteurs de la démarche Qualiopi ont-ils pris comme référence un ou plusieurs grands opérateurs nationaux, connus de tous, pour bâtir le référentiel, donc pour des actions de formation qualifiante longue ; plus de 600 heures ? Dans ce cas, la prise en compte du référentiel s’inscrit naturellement dans le temps pour la conception et le pilotage de l’action. Pour des actions de formation courtes, voire de plus en plus fréquemment très courtes, si les sept critères restent bien-sûr valides, leur exploitation nécessite, de notre point de vue, un travail d’interprétation. Sans ce travail, le risque est grand de surinvestir sur la démarche au détriment de l’action elle-même.

Dans notre secteur d’activité, l’innovation est un gage d’adaptation permanente et donc, de durée. Mais il est difficile d’innover seul ! La mise en place des indicateurs des sept critères du référentiel Qualiopi présente l’avantage de créer une série de dialogues professionnels : d’abord entre l’auditeur-trice et l’équipe de direction, entre l’équipe de direction et l’équipe pédagogique, et aussi et surtout, entre les membres d’une équipe pédagogique.

Un autre dialogue doit s’installer : celui entre le donneur d’ordre et l’OF sous-traitant, ce dernier souvent lui-même certifié Qualiopi. Le respect de la conformité au référentiel, nous venons de tenter de le démontrer, ne peut se réduire à décalquer au fil des actions de formation un gabarit qualité qui descendrait, tel un deus ex-machina, du donneur d’ordre « tout-puissant ». En fonction des missions contractuelles dévolues à l’OF sous-traitant, l’application des indicateurs qualité ne pourra se faire sans un dialogue constructif et adapté aux actions concernées.

Ces échanges sont autant d’opportunités pour rééclairer quelques fondamentaux marquant l’inévitable évolution de nos pratiques professionnelles, accélérée par la digitalisation. Il s’agit de prendre en compte d’une part, les nouveaux comportements et la diversité des apprenants et, d’autre part, les besoins pressants en compétences renouvelées des territoires : passer de formation unimodale (le stage) à des actions de formation multimodale (le parcours). A ce titre, Qualiopi est, de notre point de vue de consultants indépendants, un bon catalyseur.

Les auteurs

Anne Duiker (FADCIEL) et Jean Vanderspelden (ITG), tous les deux membres du FFFOD et de Learning Sphere

(1) Ce tuto (déc. 2020) «Vous avez dit Individualisation !» dure six minutes et éclaire le triptyque « individualisation, personnalisation et autoformation » au regard de la définition de l’action de formation portée par la loi « Choisir son avenir professionnel ». https://youtu.be/a1PH-CRbkgE

(2) cf. Amadieu Franck, Tricot André – Apprendre avec le numérique – Mythes et réalités, Retz, 2014.


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