Bilan d’application élargi sur les outils et méthodes de remédiation cognitive

Cet article fait suite à deux précédents articles publiés concernant le projet Gaïa.

Ce projet a pour objectif de faciliter les relations sociales de personnes, souffrant de troubles psychiatriques, à travers l’utilisation de modules de remédiation cognitive développés sur mesure.

Le 1er article expliquait les bases de la remédiation comme approche pédagogique, expliquait le cadre du projet Gaïa et donnait 2 exemples d’outils médiatisés :
http://learning-sphere.com/fr/apport-des-approches-et-outils-de-remediation/

Le 2ème article décrivait les bases de fonctionnement pédagogique d’une approche de remédiation cognitive et exposait les conditions de maintenance des outils médiatisés :
http://learning-sphere.com/fr/les-outils-immersifs-en-remediation/

A cette date, l’ensemble des modules de remédiation ont été développés et testés en situation réelle.
Le bilan évaluatif des tests a été réalisé dans le cadre du réseau de AFRC
(association francophone de remédiation cognitive) – www.remediation-cognitive.org .
La période de test s’est déroulée entre 2012 et 2015 (cf nota 1).

=>> [ Démonstration de la structure et des éléments de l’application médiatisée ]

Analyse du Bilan

Le bilan montre l’adaptation et l’efficacité du programme Gaïa pour améliorer des compétences de reconnaissance d’émotions faciales et favorise la relation sociale des patients, en interaction (cf nota 2).

Cet article se propose (à partir des conditions de test, à large échelle des modules médiatisés )
d’examiner en quoi et comment cette expérience de développement et de pratique pédagogique est transposable dans d’autres applications de remédiation.

1)  Processus de remédiation :

Le processus est composé de 5 étapes :

1- Évaluation initiale « en face à face » (et sur dossier) de la situation du patient, tout particulièrement en termes de relations et interactions sociales.
2- Définition des objectifs individuels : situations prioritaires, déficiences à cibler, résultats à attendre et progrès mesurables.
3- 30 séances d’exercices d’1h sur 10 semaines, associant thérapeute et patient + 1 séance de bilan réflexif
4- Bilan évaluatif « à chaud »
5- Bilan évaluatif « à froid »

Points-clé transposables ? :

Il ne peut y avoir de processus de remédiation efficient que s’il s’inscrit dans une boucle systémique. L’apprenant en remédiation doit avoir identifié au préalable ses besoins et ses attentes puis co-défini ses objectifs avec son tuteur. Cette étape est primordiale avant de s’engager efficacement et avec motivation dans la démarche de remédiation. La remédiation n’est pas un exercice en soi mais un élément d’un processus de projet et de progrès individualisé. Cette vision systémique s’applique sur un objectif de progression en termes de compétences ou de savoirs-clés (après un entretien professionnel, un bilan de compétences par exemple) qui doit être mesuré en fin de période de remédiation.

2) Immersion complètement individualisée

Le patient s’entraîne au plus près de situations réelles. L’objectif est de faciliter le transfert en se mobilisant sur les situations qui le concernent au plus près. Pour cela, l’organisation du parcours de remédiation et la richesse des situations médiatisées permettent de sélectionner les situations prioritaires. La base de situations médiatisées a été établie après analyse des situations récurrentes et considérées comme les plus problématiques. Ces situations récurrentes ont été choisies comme cible de médiatisation et scénarisées au plus près du vécu (dialogues, contextes …).

Points-clé transposables ?

Comme il est écrit dans le « Mémo Comprendre (enfin !) la formation professionnelle » – Mai 2016 publié par la FFP, les OF doivent proposer de nouveaux formats et outils en blended Learning pour compléter leur « offre pour plus d’efficacité au sens des neurosciences :  Ils valorisent l’attention, l’engagement et l’émotion pour un développement durable des compétences. » L’immersion n’est pas seulement contextuelle et rationnelle. Elle doit mobiliser l’émotion pour construire un engagement. Cette dynamique est particulièrement nécessaire quand il s’agit de faire travailler l’apprenant sur ses déficiences qu’il ne veut et peut plus cacher mais au contraire les corriger (cela concerne l’illettrisme en particulier mais également des savoirs-métiers considérés comme stratégiques et déficients).

3) Apport du numérique dans la Remédiation Cognitive

La décomposition des processus en jeu, par les interactions médiatisées, permet une fragmentation de la tâche à accomplir « pas à pas ». Le feedback immédiat sur les performances de l’apprenant en situation est donc précisément proposé. Le tuteur peut ainsi ajuster finement le degré des difficultés de la tâche qui incombera à l’apprenant en situation réelle.

La simulation médiatisée, proposée en exercices répétés, est un outil puissant de stimulation de la plasticité neuronale c’est-à-dire les mécanismes par lesquels le cerveau est capable de se modifier et donc permettre des comportements différents.

Une motivation supplémentaire est apportée par l’utilisation de l’immersif médiatisé et interactif car « l’environnement de jeu » est vécu comme inoffensif et sûr, sans répercussions sociales (effet de libération car absence de peur des réactions de l’autre). L’entraînement est donc sans conséquences et ne génère pas d’anxiété.

Points-clé transposables ? 

Ces apports sont généralisables dans l’ensemble des applications médiatisées de remédiation.

Deux conditions essentielles de performance :

1- L’environnement doit être construit de manière réaliste, rapide et simple à utiliser.
Pour Gaïa : Photos du décor relatif à la scène, personnages introductifs de la situation exposée en format de « bande dessinée » animée, personnage « cliquable » pour lancer la vidéo correspondante

2- Les exercices doivent construits pour permettre une « montée en charge » progressive (comprendre le contexte, positionner les acteurs, identifier les comportements, les analyser réflexivement).
Pour Gaïa : QCM d’analyse en plusieurs séquences (émotion exprimée, cohérence entre expression et verbal, adaptation au contexte, ressenti dans la situation) avec feed-back de « correction »  permettant un bilan d’activité

En conclusion

La réussite de la construction et de l’application d’outils de remédiation dépend de leur intégration dans un processus systémique de « mise en situation réflexive » centré au plus près de l’individu et de ses besoins et conditionné par des outils construits sur mesure. L’application et la réussite de la remédiation est une illustration particulière de la « multi-modalités » en formation, particulièrement dans le cas où il s’agit de faire travailler l’apprenant sur ses déficiences vécues comme un handicap, dans des situations de vie professionnelle et personnelle stratégiques.

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Nota 1 : « zone » de test :

1- Service Universitaire de Réhabilitation, CL3R, Le Vinatier Hospital, Bron, France
2- Département de Réhabilitation Psycho-sociale, St Cyr au Mont d’Or Hospital, St Cyr au Mont d’Or, France
3- Centre régional de dépistage et de prise en charge des troubles psychiatriques d’origine génétique, Le Vinatier Hospital, Bron, France
4- CRISALID, Clermont de l’Oise Hospital (CHI), Clermont de l’Oise, France
5- Unité de Soins Psycho-Sociaux, HDJ S17-S18, C3RP, Sainte-Anne Hospital, Paris, France
6- C3R Grenoble, Centre référent de réhabilitation psychosociale, Alpes-Isère Hospital (CHAI), St Egrève, France
7- Lyon 1 Claude Bernard University, Lyon, France
8- UMR 5229, Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Lyon, France.

Nota 2 : Le bilan complet du projet Gaïa a été écrit et a fait l’objet d’un article sur une revue communautaire internationale scientifique. Il a exprimé ses remerciements pour le travail de médiatisation réalisé.
http://journal.frontiersin.org/article/10.3389/fpsyt.2016.00105/full


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