Apprendre en situation de travail sur son territoire

L’Afest

Qu’est ce que l’AFEST ? (Action de Formation En Situation de Travail)

Nota : cet article a été publié initialement sur le site formerbouger.com, animé par Benoit Tostain.
Mon intention est de l’appuyer personnellement pour son activité de formateur, centrée sur la transition écologique.

Elle se définit comme « une formation non scolaire » qui se déroule sur le lieu du travail et produit des compétences directement articulées aux contenus des activités de travail. C’est un apprentissage en deux temps : la situation de travail et son analyse réflexive individualisée. Ces deux temps s’alternent tout au long de la formation en fonction des points d’évaluation d’objectifs opérationnels ciblés en progression d’activité.

La situation de travail ciblée met en lien les compétences attendues d’un référentiel de formation et l’action de travail réalisée en autonomie, avec un accompagnement tutoral et une analyse réflexive individualisée.

L’ AFEST implique pour être efficace dans la durée une relation tripartite : tuteur en entreprise, formateur-référent de l’OF, apprenant.

L’ AFEST s’appuie sur des pratiques anciennes de formation. En particulier :

Les missions des Compagnons du Devoir qui sont de former et d’accueillir les jeunes sur le Tour de France. Le compagnonnage a pour objet de permettre à chacun et chacune de s’accomplir dans et par le métier dans un esprit d’ouverture et de partage.Son slogan est : « Soyez de ceux qui construisent l’avenir ! »

La plupart des formations agricoles qui comportent une partie théorique et une période de stage. Les stages réalisés dans le cadre d’une formation agricole sont des expériences très enrichissantes du point de vue de la découverte d’un métier et de l’acquisition de nouvelles compétences. Le stage s’effectue généralement chez un exploitant agricole expérimenté en position de tuteur sur le terrain.

Expérimentation et position réglementaire de l’AFEST

L’expérimentation de la Formation en situation de travail a démarré le 7 décembre 2015 dans cinq entreprises d’insertion. Pilotée par la DGEFP, le Copanef et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), l’expérimentation visait à faire reconnaître la formation sur poste de travail comme une réelle modalité d’acquisition de compétences et, à ce titre, la rendre éligible aux financements de la formation professionnelle.

Son enjeu était de développer la formation dans les TPE-PME dont les salariés sont souvent exclus.

Suite à cette expérimentation et au rapport final produit par la DGEFP, le Copanef, le Cnefop, le FPSPP et l’Anact, la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018 valide l’AFEST en tant qu’action de formation reconnue par le Code du travail (article L. 6313-2).

L’AFEST peut donc être prise en charge par les OPCO et Pôle Emploi et mise en œuvre également dans le cadre de formations « réglementaires ».

Place du numérique dans une AFEST

La multimodalité de l’AFEST en intégrant le Digital Learning peut être évaluée comme déterminante pour une réussite tripartite : tuteur en entreprise, formateur-référent de l’OF, apprenant.

Pourquoi ?

  • La relation tripartite avec les pairs (autres apprenants en lien actif, en phase de formation ou ayant terminé leur formation), tuteur en entreprise et formateur-référent en OF devient permanente dans la durée en format multimodal.
  • Les contraintes de lieu sont contournées (exemple : « je rédige et partage chez moi, car travailler réflexivement dans l’atelier n’est pas facile !»)
  • Les objectifs pédagogiques opérationnels qui conditionnent la traçabilité de la réalisation d’une AFEST sont plus accessibles et efficaces en mode digital-Learning (documents collaboratifs, ressources numériques et multimédia en pré-requis ou en support « à la demande », forum de discussion avec les pairs et les accompagnateurs référents).
  • Certains objectifs opérationnels peuvent valider l’acquisition de compétences transverses (dont certaines sont fondamentales : socle Clea – écriture, calcul et bases numériques).

Position juste nécessaire du numérique dans une AFEST

La place du numérique doit être raisonnée et « juste nécessaire » : les outils et le recours au numérique sont conditionnés par le contexte, le profil de l’apprenant et le positionnement des objectifs pédagogiques.

Par exemple :

  • Le recours à des documents collaboratifs n’est indispensable que si l’apprenant doit, en séquence réflexive, être accompagné à distance. Si l’apprenant rencontre régulièrement sur site, en espace collaboratif, ou en OF, son tuteur et son formateur-référent, cette modalité n’est pas nécessaire.
  • Les ressources numériques et multimédia en pré-requis ou en support « à la demande » ne sont indispensables qu’après un positionnement individualisé. Le dispositif de formation « en salle », avec un support individualisé par le formateur référent et des échanges entre pairs, peut être une alternative.
  • Le forum de discussion est une option qui dépend du contexte, des objectifs de communication et du suivi de l’évolution de l’AFEST dans le temps.
 La notion de territoire est donc déterminante pour cadrer l’usage et la place du numérique pour une AFEST.

Plus le territoire sera centré sur un espace communautaire permettant une interaction et une rencontre des acteurs en proximité, moins le numérique sera utile.

Les zones rurales où il est nécessaire de développer des économies collaboratives, des circuits courts, de retenir et d’accueillir des publics qui veulent utiliser et partager des savoirs sur les terroirs et en relation avec la nature proche seront fondamentalement des zones où le numérique sera limité à des actions de communications et de partage hors du territoire.

L’autre facteur limitatif sera la perception de l’utilisation du numérique, en particulier pour des populations qui sont davantage dans une culture du « faire » plutôt que celle de l’écrit. Les conditions d’accès et la qualité du réseau numérique doivent aussi plaider pour un usage limité, notamment dans des tiers-lieux dédiés au travail collaboratif.

Pour en savoir plus : comprendre les fondements de l’apprentissage par l’action

L’AFEST est pédagogiquement basé, en particulier, sur les bases de l’expérientiel selon les termes de John Dewey (psychologue et philosophe humaniste en 1938) :

  • Continuité transactionnelle de l’expérience : apprentissage dynamique maîtrisé, avec des moyens pour progresser réflexivement.
  • Signifiance de l’expérience : un livrable est un acquis concret, mesurable qui correspond à des compétences référençables et des savoirs mobilisés.
  • Relation significative et d’assistance : le tutorat, le mentorat, les relations avec ses « pairs » apportent un support d’apprentissage et de reconnaissance par les tiers.
  • Processus d’autoréflexion : l’apprentissage se fait par étapes et avec des moments dédiés permettant la réflexion, la reprise, la répétition et l’erreur.

Dominique GROS


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