Les badges, promoteurs de compétences ?

Vous vous en êtes certainement rendu compte ces temps-ci, les badges sont revenus à la mode. La où dans les années 70′ ils étaient porteurs de revendications, dans les années 80’ signaient son appartenance à tel ou tel groupe, les badges du XXIe siècle sont numériques et ont pour prétention de montrer les compétences que l’on possède. C’est particulièrement le cas dans les moocs qui cherchent à donner, le plus souvent contre rétribution (cf. badges du mooc ITyPA) un succédané de diplôme.

Le plus amusant est que certains de ces badges payants n’attestent que de sa participation à une formation : actualisation habile et mercantile de l’attestation…

brejnevJe ne fais que peu de différence entre les médailles, les diplômes et les badges. Il s’agit bien de la même logique : montrer par un signe symbolique ses mérites, son savoir ou ses compétences. Je trouve les premières prétentieuses et pas loin du ridicule comme dans le cas de l’illustration de ce billet, les deuxièmes sont de plus en plus surannés bien que trop souvent des passages obligés, les troisièmes sont une trouvaille revendiquée plus moderne que les diplômes mais n’évitant pas leur travers.

Le problème pour les trois, c’est qu’ils sont des affirmations censées doter leur possesseur de l’aura symbolique que les uns et les autres veulent bien leur accorder. Tout comme un CV, qui n’est qu’une somme de déclarations, ces signes de reconnaissance n’apportent pas les preuves ni de son savoir ni de ses compétences. Ce qui m’importe ce ne sont pas les signes mais les preuves qui ne peuvent être apportée que par l’action.

Vouloir documenter ces compétences est légitime, mais la meilleure manière n’est donc pas de se médailler, de se diplômer ou de se badger. Il s’agit, bien au contraire, par la réalisation d’actions et la communication produite sur ses actions de démontrer à ses interlocuteurs que l’on possède tel savoir, savoir-faire ou savoir-être.

J’ai été en situation de recruter de nombreuses personnes pendant une dizaine d’années. Je me suis toujours d’abord fié aux réalisations que me présentaient les candidats, et sur lesquelles je ne manquais pas de les interroger longuement, plutôt que sur leurs titres. En ce sens le portfolio est un progrès (surtout s’il comporte une partie autoréflexive) mais pas si nouveau que cela… les graphistes, par exemple, présentent leurs books depuis très longtemps (là pas d’autoréflexivité). Le portfolio, tout comme le book ne prouvent rien. Ils peuvent être hightech, impressionnants par leur volume et les travaux contenus, parsemé de références prestigieuses mais au final ce ne sont que de belles images. C’est le commentaire que le possesseur du portfolio peut en faire qui permet à son interlocuteur de nourrir son intime conviction qu’il a affaire à quelqu’un qui sait de quoi il parle et qu’il est vraiment l’auteur des travaux présentés. C’est la mise en situation de production de l’individu qui apporte les preuves définitives de ses déclarations.

Se badger c’est en quelque sorte se complaire, à l’instar des décorés de tout poil, dans son statut d’ancien ; d’ancien  apprenant et non de professionnel agissant et apprenant de ses actions.

« On n’a jamais fini de faire ce tri là, entre ce que vont m’apporter mes maîtres, mes collègues,
mes élèves, mes patients et ce que je suis, moi, et ce que je pense. »
Max Pagès.


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