E-learning Rapid et Agile !

L’évolution des outils de production de contenus e- learning a conduit il y a quelques années à l’apparition de logiciels dits de Rapid e-learning. Ces logiciels dont la finalité est de produire rapidement des contenus sont destinés avant tout aux experts du sujet traité dans la formation.

Il leur permet d’être autonomes dans la réalisation de leur modules en ligne. Toutefois, après quelques années d’existence on a vu se développer des projets dans lesquels les experts du contenu sont accompagnés d’une équipe de réalisation, voire même de conception. Cette évolution pose de nombreuses questions. Nous allons ici nous attacher à la question de la gestion du projet dans cette configuration.

Qu’est-ce que le rapid e-learning exactement ?

Avant de rentrer dans le détail de la gestion d’un projet Rapid e-learning, il faut s’arrêter quelques instants sur sa définition. Un projet Rapid e-learning se défini t par rapport à un projet e-learning dit « classique ». Un projet classique est composé de plusieurs phases que sont :

– la conception générale qui définit les grandes lignes du contenu de formation (objectifs pédagogiques, plan détaillé, charte graphique,…),

– la conception détaillée qui se concrétise par la rédaction d’un story-board qui décrit précisément tous les éléments qui vont se trouver sur les écrans du module,

– la réalisation qui consiste à médiatiser et mettre en œuvre les interactions qui sont décrites dans le story-board,

– la mise en ligne des contenus réalisés.

Chaque phase fait l’objet d’une validation formelle afin de ne pas modifier les options retenues initialement dans les phases ultérieures.

Le Rapid e-learning consiste à confondre les phases de conception détaillée et de réalisation dans une même opération. Pour cela les outils de Rapid e-learning proposent par exemple de s’appuyer sur Powerpoint afin de faire la conception et la réalisation avec le même outil.

L’argument est le suivant : vous êtes un expert du sujet traité –  vous connaissez Powerpoint – on vous propose des fonctions multimédias qui s’ajoutent à Powerpoint et qui sont très simples d’utilisation – vous êtes autonome dans la réalisation de vos contenus e-learning.

C’est en cela que c’est « Rapid ». Le projet est simplifié, l’équipe est réduite à sa plus simple expression.

Quelles sont les grandes tâches d’un projet de ce type ?

Même si le projet se simplifie il reste composé des grandes tâches essentielles. La conception générale ne change pas par rapport à un projet classique. Il faut toujours définir les objectifs pédagogiques du module, définir les aspects ergonomiques, et structurer le contenu. Les compétences nécessaires pour cette tâche sont des compétences d’ingénierie pédagogique standard auxquelles peuvent venir s’ajouter des compétences graphiques et des compétences sur l’ergonomie et l’ingénierie pédagogique spécifique aux contenus de formation en ligne.

Il faut ensuite réaliser les écrans c’est-à-dire ce qui est affiché (textes, illustrations, vidéos, animations), ce qui est dit (voix-off) et les interactions proposées à l’apprenant. Dans cette phase les outils de Rapid e-learning proposent de travailler directement dans l’outil de réalisation pour gagner du temps. Les outils sont souvent composés de logiciel simples d’utilisation ou de fonctions ajoutées dans un logiciel connu (comme Powerpoint par exemple).

En termes de compétences, le concepteur réalisateur doit maitriser le logiciel de réalisation. Il doit également connaitre les règles de conception d’écrans efficaces du point de vue de l’apprentissage. Enfin il doit maitriser un minimum de techniques de traitement des médias utilisés dans les modules (images fixes, animées, vidéos, sons). Si ces différentes compétences sont tout à fait accessibles à l’expert du contenu, le niveau attendu en terme de qualité de conception et de réalisation est un niveau professionnel. Cela nécessite donc de sa part un investissement en temps et en formation suffisant pour atteindre une production ayant le niveau de qualité requis. Mon expérience de ces projets montre que le niveau de cet investissement est en général sous-estimé. Les postulats de départ qui consistent à considérer que l’expert, surtout s’il est formateur, est compétent en matière de conception d’écrans, de traitement des médias et même de maitrise de Powerpoint est souvent erroné.

Cela conduit bon nombre d’organisations à lancer des projets de « Rapid e-learning » associant des experts des contenus et des experts de la conception et réalisation de modules fait avec ces techniques. Souvent cette démarche est justifiée par un manque de disponibilités des experts pour mobiliser un temps assez long à la conception et à la réalisation de ressources pédagogiques de ce type. On y ajoute en général la capacité qu’offrent ces outils  pour maintenir les contenus de façon autonome. Mais alors, comment gérer ce projet en équipe tout en gardant l’aspect « Rapid » du Rapid e-learning.

Quels sont les inconvénients des méthodes de gestion de projet classique dans ce type de projets ?

On l’a vu précédemment dans un projet classique, on sépare la conception de la réalisation. La conception détaillée des écrans est matérialisée par un story-board qui fait l’objet d’une validation. Cette étape est importante car elle  garantit au réalisateur qu’il travaille sur une matière validée. Par exemple, les voix-off de l’écran ont été rédigées dans le story-board. Elles sont validées donc il est possible de procéder à leur enregistrement sans risque. Cette méthodologie est assez lourde mais elle permet de faire avancer le projet efficacement en termes de coûts et de délai.

Le problème lorsque l’on travaille avec des outils de Rapid e-learning, c’est que l’on travaille directement dans l’outil de réalisation. Ainsi la validation du contenu des écrans n’intervient que lorsque les écrans sont réalisés. Aussi, toute modification est assez coûteuse en ressources et en délai. Pour limiter ce phénomène on renforce la conception générale. On rédige notamment un plan détaillé très précis (aussi appelé synopsis). On y détaille le dé coupage en écrans, la nature des écrans et les activités pédagogiques qu’ils proposent. Mais cela ne résout pas le problème des détails comme les éléments affichés sur l’écran, la cinématique d’une animation, le texte d’une voix-off… Et c’est là que l’on peut passer beaucoup de temps à faire des retouches, et que l’on perd le bénéfice du « Rapid e-learning ». Il semble donc qu’il faille trouver une autre façon d’aborder le projet afin de maintenir l’aspect pluridisciplinaire de l’équipe qui garantit la qualité finale du produit, et la souplesse et la rapidité offertes par les outils du « Rapid e-learning ».

En quoi les nouvelles méthodes de gestion de projet peuvent-elles apporter un progrès dans ce contexte ?

Lorsque l’on étudie les caractéristiques des nouvelles méthodes de gestion de projets qu’évoquent Beatrice Lhuillier (dans son article sur ce site)  en regard des constats précédents on trouve des axes de progrès évidents.

Tout d’abord, ces méthodes respectent le phasage global du projet. On conservera dans notre cas une phase de conception générale, une phase de conception/réalisation et une phase de mise en ligne.

Mais là où le progrès potentiel est important est dans le pilotage de chaque phase et plus particulièrement de la phase de conception réalisation. L’idée directrice des méthodes agile est de concentrer des moyens importants durant une courte période associant tous les acteurs du projet. Cela est tout à fait adapté à des projets de type Rapid e-learning qui sont de projets de petite taille dont la finalité est de sortir un contenu de bonne qualité rapidement.

Pour être concret, il s’agit de mobiliser tous les acteurs du projet de façon importante durant une période définie à l’avance avec un objectif de réalisation précis. Chacun sait quel est son rôle et doit contribuer à la production envisagée dans le respect des délais. Par exemple, une entreprise doit réaliser un module pour former ses vendeurs sur un nouveau produit. On constitue une équipe de projet constituée d’un chef de projet, d’un formateur interne, d’un membre du marketing responsable du produit, d’un prestataire charge de la conception pédagogique, d’un prestataire charge de la réalisation (réalisation et traitement des médias, intégration, mise en place de l’interactivité). Une fois la conception générale validée, cette équipe dispose de 4 semaines pour réaliser le module. Chacun est habilité à prendre des décisions pour le compte de l’entité qu’il représente.

Si l’on veut faire une synthèse des avantages de ces méthodes dans le contexte du Rapid e-learning on trouvera :

– un avantage en termes de qualité car tous les acteurs spécialistes et complémentaires sont rassemblés et peuvent profiter des apports de chacun en temps réel. Il n’y a pas de déperdition dans la transmission des informations,

– un avantage en termes de délai car les arbitrages sont pris très vite au sein du groupe projet qui a toute autonomie pour cela,

– un avantage en termes d’organisation car si les acteurs internes à l’entreprise sont fortement mobilisés pendant la durée du projet, l’effort est concentré dans le temps et sa durée est garantie par le processus même.

Attention tout de même à bien respecter les pré-requis indispensables au succès de ces méthodes :

– l’autonomie du groupe projet notamment en matière de décisions,

– la disponibilité importante des membres du groupe durant la session,

– la compétence collective du groupe qui doit couvrir tous les savoirs et savoir-faire nécessaires au projet, ou à défaut la possibilité de disposer de ressources externes complémentaires,

– la taille du projet qui doit être compatible avec une durée de réalisation courte (quelques semaines seulement).

Conclusion

On voit que les nouvelles méthodes de gestion de projet peuvent compenser certaines faiblesses des méthodes traditionnelles dans le contexte de la production de ressources réalisée avec des outils de Rapid e-learning.

Elles introduisent néanmoins de nouvelles pratiques dans la conduite des projets qui vont nécessiter une adaptation progressive. C’est peut-être pour cela que les projets Rapid e-learning qui sont des projets peu complexes et de taille modeste peuvent être un excellent terrain d’expérimentation de ces nouvelles méthodes. Une fois celle-ci apprivoisées, elles pourront s’introduire plus facilement dans des projets plus complexes comme les Serious Games par exemple.


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